Jamais n’a-t-on aussi souvent entendu parler des toitures végétales au Québec, l’intérêt pour ce concept s’amplifiant à mesure que grandit celui envers le bâtiment durable. Et ce n’est pas le fruit du hasard, car l’aménagement d’une toiture végétale s’accompagne de bénéfices environnementaux indéniables. Il contribue à ralentir et à diminuer l’écoulement d’eau vers les égouts pluviaux lors d’averses importantes, de même qu’à réduire l’effet d’îlot de chaleur urbain, le smog et les charges de climatisation en période estivale. Sans oublier son apport sur le plan esthétique et sur celui de la qualité du milieu de vie des occupants d’un bâtiment.
Pour tirer le meilleur d’une toiture végétale extensive et en favoriser la longévité, il faut évidemment veiller à la conserver en bon état. Pourquoi? Eh bien parce qu’il s’agit d’un système simple composé de couches multiples et qu’en aucun temps celles-ci doivent être atteintes, car c’est l’étanchéité du bâtiment qui en dépend.
L’important, c’est aussi ce qu’on ne voit pas! Le substrat de croissance peut avoir une épaisseur d’aussi peu que 75 mm, ce qui laisse peu de marge de manœuvre pour intervenir avec des outils de jardinage avant d’atteindre et d’abîmer le géotextile qui protège les couches inférieures du système. Ce substrat est aussi spécialement conçu pour les végétaux et pour le poids que la toiture peut supporter. Comme il s’agit d’un milieu artificiel à entretenir, il importe donc de se renseigner avant d’ajouter une quelconque matière pouvant changer sa composition et son épaisseur.
PRÉVENIR L'IRRÉPARABLE
Il est primordial que les propriétaires et les copropriétaires d’un bâtiment pourvu d’une toiture végétale extensive soient conscients de l’importance de l’entretien de cette partie de leur immeuble. La négligence en entretien peut entraîner des problèmes qui sont, dans la majorité des cas, irrémédiables. Personne ne souhaite devoir arracher les composantes de la partie végétale de leur toiture et tout recommencer. Certains acceptent toutefois les conditions esthétiques telle qu’elles sont devenues et se débarrassent seulement des indésirables (herbe à poux, plantes ligneuses, peupliers etc.). Il est toujours dommage de constater que la négligence en entretien porte ombrage à tous les efforts investis pour la réalisation d’un si beau projet.
Extensif équivaut à très faible entretien. Mais il y a tout de même des soins à apporter à une toiture végétale pour conserver la vigueur de ses plantes. La marche à suivre est simple; il faut effectuer au minimum deux visites d’inspection annuelles et recenser les lacunes d’entretien pour y remédier rapidement: manque de vigueur, besoins en désherbage, surfaces dégarnies etc. Il ne faut pas hésiter pas à rajouter une visite lors de périodes de sécheresses prolongées pour vérifier les besoins en eau des végétaux. Une telle période de plus de trois semaines pourrait leur être fatale.
Les végétaux, rigoureusement sélectionnés, sont adaptés aux conditions climatiques que l’on retrouve sur la toiture. Pour l’entretien, le propriétaire doit toujours se référer au plan d’aménagement initial de conception et s’y conformer. Advenant un manque de vigueur observé chez les végétaux, il lui faut se renseigner avant d’entreprendre quoi que ce soit. Un spécialiste l’aidera à dépister les problèmes et à y remédier par des solutions adaptées au contexte.
Si des problèmes persistent ou deviennent trop fréquents, peut-être faudra-t-il considérer les points énumérés dans cet article et élaborer une solution avec l’aide d’un spécialiste encore une fois. Plusieurs facteurs peuvent contribuer au succès d’une toiture végétale, pas seulement la sélection de plantes robustes et adaptées, car «adapté» est un bien grand mot (degré et heures d’ensoleillement journalières, prédispositions à la dessiccation, caractéristiques physiques du site de plantation etc.).
Tout ceci peut sembler laborieux, mais il reste qu’un entretien régulier est beaucoup moins exigeant et plus économique que la perte de contrôle causée par ce manque d’entretien. Dans le but ultime de conserver son investissement, c’est une sage décision. Après tout, une toiture végétale fait partie des immobilisations dont un propriétaire a toutes les raisons d’être fier!
DE BONS CONSEILS
Vous être l’heureux propriétaire d’une toiture végétale extensive ? Voici donc de bons conseils pour aider à jouir pleinement, et pour longtemps, de ses bénéfices écologiques, écoénergétiques et esthétiques :
- La fonte des neiges apporte bien des «cadeaux» déposés au gré du vent. C’est pourquoi il est primordial de nettoyer en tout temps vos aires de plantation ainsi que vos bandes de propreté de tous matériaux morts et rebuts. Votre toiture est-elle entourée d’arbres? Votre plantation comporte-elle beaucoup de feuilles larges? Si oui, il devient alors nécessaire d’enlever le surplus de ces dépôts organiques accumulés et devenus trop denses pour faire pénétrer la lumière vers les nouvelles pousses. De plus, si votre site est exposé aux embruns salins, il faut arroser abondamment les parties aériennes de vos végétaux et le substrat.
- Surveillez les périodes de sécheresse prolongées où un apport considérable en eau est requis. Repérez la ou les prises d’eau sur la toiture ou assurez-vous d’apporter de l’eau jusqu’au toit avec une pression suffisante pour arroser le substrat de croissance jusqu’à saturation (en profondeur). Évitez au maximum d’irriguer en plein soleil et par temps chaud, sauf en cas d’urgence.
- Munissez-vous d’un guide d’identification des mauvaises herbes du Québec pour vous aider à repérer les principaux trouble-fête sur votre toiture végétale extensive. Lors des visites d’inspection, désherbez manuellement la surface végétale en supprimant entièrement leurs parties aériennes et racinaires. Ne lésinez pas sur la fréquence en désherbage, surtout pour les premières années de vie de votre système. C’est sa période la plus critique car il se peut que la couverture par la végétation désirée ne soit pas encore complétée. Dans tous les cas, les adventices doivent être détruits avant la maturation des semences. N’oubliez pas vos bandes de propreté, tous végétaux confondus cette fois-ci!
- En tout temps, à moins d’indication contraire d’un spécialiste en organismes phyto-pathogènes et phytophages, il est interdit d’utiliser tout pesticide (herbicide, fongicide, insecticide) ou produit antiparasitaire sur une toiture végétale. De nombreuses précautions sont à considérer lors de ces traitements et requièrent des personnes accréditées en la matière. De plus, il existe plusieurs interventions à considérer avant d’aboutir à ce type de traitement.
DES PIÈGES À ÉVITER
Trois pièges que doit nécessairement éviter le propriétaire d’une toiture végétale extensive :
- Un soi-disant spécialiste vous approche en vous signifiant que son système de toiture végétale est SANS entretien? Prenez vos jambes à votre cou et changez de spécialiste! La nature étant en perpétuel mouvement, celle-ci cherchera à partager l’espace, ce que vous devez contrôler.
- On vous suggère un programme de fertilisation automatique et régulier, qu’il soit appliqué à la volée ou qu’il fasse partie intégrante de votre eau d’irrigation? Ce programme est inapproprié! Vous devez fertiliser seulement dans le cas où vos végétaux présentent des déficiences minérales importantes : manque de vigueur, aucune floraison saisonnière, surfaces dégarnies, etc. De plus, dirigez-vous vers un fertilisant enrobé à libération programmée puisqu’il comblera les besoins de vos végétaux sur une très longue période tout en évitant qu’un surplus se retrouve dans vos drains pluviaux (gaspillage d’argent et pollution diffuse de l’environnement). Du même coup, il évitera de changer les caractéristiques de votre substrat de croissance.
- Vous disposez d’un système d’irrigation? Celui-ci ne doit pas être automatiquement réglé! Évitez d’arroser vos végétaux régulièrement; vous les rendrez paresseux et vous vous attirerez beaucoup plus d’ennuis qu’autrement. L’irrigation ne doit fonctionner qu’au besoin, les plantes étant choisies pour leur tolérance voire leur préférence aux milieux secs.
*Marjolaine Auger, the author, is an agrologist and the garden roof advisor at Hydrotech Membrane Corp. She can be reached at mauger@hydrotechmembrane.ca or 800-361-8924.